Voyage

Le parfumeur des âmes

Cordoue, ville mystérieuse qui sonnait comme des retrouvailles avec une partie de moi. Avant d’arriver déjà, je me sentais liée à ce lieu rempli d’histoire.

J’aime me laisser porter par un lieu que je découvre. En général la première chose que je fais est de déambuler au hasard. Je me laisse guider par mes envies, par une rue qui m’attire, une enseigne, un monument, une couleur. J’écoute les bruits de la ville, je sens ses odeurs, je découvre ses briques et ses pavés.

Cordoue ne fait pas exception à ce petit rituel. Je la trouve belle et douce, charmeuse et envoûtante. Les vestiges de l’époque arabe me fascinent, et comme à Grenade je m’extasie devant les oeuvres d’art arabo-andalouses.

Au détour d’une rue, peu de temps après le début de ma promenade je tourne intuitivement la tête sur la droite. Une boutique, toute petite, avec dans sa vitrine des encens et des baumes aux plantes, me fait un clin d’oeil. En regardant à l’intérieur je découvre des étagères avec des fioles de toutes tailles remplies de liquides jaunes ou incolores. Intriguée, je fais un pas à l’intérieur pour découvrir un homme grand et élégant, avec une barbe grisonnante, un regard avenant et profond. Curieuse, je m’approche des contenants en verre sur la gauche de la boutique. Toutes les fioles sont étiquetées avec une écriture manuscrite, dont beaucoup avec des noms de fleur. Et de suite je repère celle qui porte l’étiquette « jasmin ».

L’homme se déplace de son comptoir pour me demander si je veux quelque chose. Je voudrais sentir le jasmin. Comme d’habitude son essence me transporte pendant quelques secondes dans un jardin aux mille merveilles. Je remercie et repart charmée du parfum de l’une de mes fleurs préférées.

Le lendemain je reviens dans cette étrange boutique

Attirée un peu comme un aimant. L’homme est occupé, je me mets donc dans un recoin, et j’attends. Ou plutôt le temps s’arrête et je suis juste en présence, sans savoir vraiment ce que je fais là, mais je suis bien. J’ai l’impression de sentir la vibration des essences de fleurs et autres plantes qui m’entourent. Pour certaines un chant vient dans mon esprit, et je laisse les sonorités subtiles me traverser.

Je finis par m’en aller, sans un mot. Une ou deux heures plus tard je reviens, il est toujours avec les mêmes personnes. Je me remet au même endroit, silencieuse et sereine. Je me demande quand même ce qui m’arrive car je ne suis pas d’un naturel patient. Mais ici il n’y a pas de temps.

La femme avec qui le maître des lieux s’entretient finit par être un peu gênée et prie son interlocuteur de venir s’occuper de moi. Et je l’entends répondre que je n’attends rien, que je suis ici chez moi. Il se tourne et me demande « tu as besoin de quelque chose ? » Je lui répond que non, tout est ok. J’ai le temps. Et à vrai dire, je ne sais pas vraiment ce que j’attends ni quoi demander, alors…

A nouveau, sans un mot, je repars.

La mezquita

Je continue dans la magie de Cordoue et le lendemain je visite la mesquita. Je suis complètement troublée par ce lieu magique. La lumière, les sculptures, l’énergie qui passe là. Impression que ça vibre sous terre, je le sens dans mes pieds, dans mon corps. Je me laisse couler dans cette magie, j’imagine un sage érudit vêtu de blanc devant une porte sculptée. J’en ai des frissons partout. La lumière qui filtre à travers la fumée de l’encens rend l’instant presque irréel. J’entends à peine les gens autour. C’est comme marcher dans un rêve. Je ne sais pas combien de temps je reste là mais lorsque je sors je suis un peu sonnée. J’ai besoin de me rassembler, de revenir dans le présent.

Je vais manger, marche encore dans la ville, écris à une terrasse de café.

J’ai l’image de la boutique, que je commence à bien connaître soit dit en passant, et un petit message intérieur: retournes-y, cet homme a une histoire pour toi. Voilà mes pas qui me dirigent à nouveau vers cette étrange boutique. De toute façon je suis intriguée et j’ai envie de connaître la suite de l’histoire.

Cette fois il est disponible. On se sourit comme de vieux amis, il me prend les mains et me salue avec un grand sourire et des gestes un peu théâtraux. Je finis pas me demander si je ne suis pas dans un film! «Tu sais qu’on s’est connu dans une autre vie ? » me dit-il. A vrai dire oui, vu la tournure des évènements je ne suis pas vraiment surprise. Par contre ce qui est surprenant c’est de l’entendre me dire ça comme si il me parlait du café pris ensemble la semaine dernière.

Je suis restée au moins deux heures. Et nous avons parlé, longtemps, d’Egypte et d’autres contrées du monde, des mystères de la vie et de l’univers. Puis… de moi.

Le parfum

Pendant qu’il me parle, me décrit ma structure énergétique avec bienveillance et douceur il sort des fioles, des huiles essentielles, me parle des fleurs blanches qui m’accompagnent et commence à me faire respirer des essences. Et c’est comme ça que pas à pas, il me compose un parfum.

Bois de oud, fleur de jasmin, essences légères ou piquantes, je hume, renifle, me laisse traverser par les odeurs. Certaines m’enchantent, d’autres me rebutent et lui, souris. Il me décrit des aspects de moi dont je n’avais jamais eu conscience mais qui sont profondément justes. J’avoue, je suis fascinée par ce mélange qui se crée sous mes yeux, sous mon nez.

Trois essences pour mon centre, et 6 autres pour ce qui me compose autour. Quelques graines de fleur d’hibiscus et une goutte d’Aloé Vera pour la douceur. Il évoque la mer et les voyages, ma sensibilité et mon caractère obstiné. A travers ces mots, posé justement et sans jugement mes défauts deviennent des forces et je me rappelle certaines de mes qualités souvent oubliées. Je voyage en Orient. En Iran peut-être, au pays berbère et dans l’ancienne histoire d’Andalousie en passant par l’Egypte.

Quand il a terminé il secoue la petite bouteille et moi je m’attends presque à ce qu’elle s’illumine de l’intérieur.

« Voilà, il est prêt, tu n’es pas obligée de le prendre, mais il fallait que je le fasse. » Je demande timidement quel en est le prix, un peu angoissée au vu de l’état de ma bourse. Quand j’ai ma réponse, au vu du montant dérisoire qu’il me demande je comprends que c’est vraiment un cadeau.

« Je ne t’ai pas fait un parfum, me dit-il. » C’est vrai qu’à ce moment-là je me rappelle que des parfums, et bien je n’en met jamais… « une médecine » je propose ? Je vois son regard s’illuminer et d’un grand éclat de voix il me répond « oui ! C’est ça ! Je t’ai fait une médecine ! Elle t’accompagnera pour ton voyage ! ». Alors le cadeau n’en est que plus beau.

Viens le moment attendu. Je m’assois sur une petite chaise dans un recoin, lui s’assoit à coté de moi. J’ouvre la bouteille, et je laisse l’odeur de « mon » parfum venir à moi. Indescriptible. C’est comme un poème de voyageur, en une seconde, je fais le tour du monde, ça explose dans ma tête, dans mon cœur. Mes corps énergétiques ondulent au rythme d’une musique invisible et je laisse un chant sortir de moi. Un tourbillon d’émotions douces m’envahit. Je ne croyais pas qu’on pouvait ressentir tout ça en même temps, avec juste une odeur. Merveilleux, magique…

Je sens qu’il est content de son oeuvre. Moment de gratitude partagée, moment sacré.

Remis de nos émotions, nous parlons de choses et d’autres pour revenir dans l’instant présent.

Je ressors, il fait nuit. Je marche un peu pour intégrer cette journée incroyable. Je laisse la ville me porter, m’envelopper de ses lumières.

 

Le lendemain je reprends la route. Direction les Canaries.

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