écrits intuitifs

Au coeur de la Terre

En fouillant un peu dans mes textes, j’ai retrouvé un écrit d’il y a quelques années créé pendant un stage d’écriture immersive près de la grotte de Foissac. Il y a dans cette grotte une figurine incroyable offerte par la rivière. 

J’avais envie de vous partager ce texte. Pour en savoir plus sur la grotte de Foissac: https://grotte-foissac.fr/

Je descends les marches avec cette sensation de descendre en moi, et en Elle. Plus près du coeur de la Terre Mère.

Dans cette cathédrale minérale, je sens la présence du mystère. Un espace où notre temps humain laisse place au murmure des âges.

Cet espace est comme une offrande à l’éternité de l’instant.

Je sens l’appel du corps à passer à un autre rythme, à oublier l’heure, les jours, les mois. A oublier la course.

Je laisse mon sacré intérieur s’ouvrir pour qu’il se joigne à l’espace. La respiration devient plus lente, les pensées s’effacent et subtilement le voile se lève. J’entends des chants sacrés et des langues oubliées chuchotées. L’eau devient vivante et chaque goutte raconte.

Remontée du fond des âges, guidée par la source elle apparaît. Dans cette figurine sculptée par des mains conscientes je vois la femme qui aime toute chose et qui protège. Je me laisse toucher. Elle entre en moi et m’emmène loin dans mes profondeurs, dans la mémoire des Anciens.

Les voix des autres visiteurs s’effacent, le groupe disparaît. Je n’ai plus conscience des présences humaines. Dans les parois, le plafond, les colonnes de calcite, 1000 visages apparaissent. De toutes formes et toutes tailles. Des êtres invisibles, discrets, silencieux, qui viennent nous observer. Des endroits sombres, je sens des regards doux qui appellent à une rencontre. Les esprits veulent nous parler mais nous avons oublié comment les écouter.

Ils nous tendent la main pour nous murmurer à nouveau les secrets.

J’avance encore ne sachant plus trop dans quel temps j’existe. Le plafond de la grotte se reflète dans l’eau lisse et fraîche. Je me retiens de plonger car le temps d’une seconde j’ai cru que c’était l’autre côté du miroir, l’autre côté du voile.

La partie de moi consciente s’accroche désespérément à une réalité tangible par peur de disparaître dans l’immensité du mystère. Alors j’avance, le souffle lent, me dilatant un peu plus à chaque pas dans ce temps suspendu.

Je sens son regard d’abord, qui me sonde. Le chemin s’arrête, obstrué par un éboulement. Derrière-moi, plus aucune lumière. Seules les lueurs d’un feu qui crépite me rappellent la réalité de mon corps, de ma chair. Je reviens. A deux mètres au-dessus de moi, sur un monticule d’argile, il est là, accroupi, immobile. Et réel. Suis-je passée de l’autre côté finalement?

De son corps je ne vois que quelques parcelles de peau tannée, fripée, sèche. Dans sa main gauche il tient un bâton en bois tordu auquel de tout petits bouts d’os, sont suspendus. La peau de loup préhistorique l’enveloppe et le feu fait vaciller l’ombre de l’animal sur la paroi comme s’il était encore en vie. De son visage n’apparaissent qu’un nez fin, une bouche qui a l’air de ne pas s’être animée depuis des siècles. Bien qu’invisibles ses yeux me regardent, me transpercent, me donnent une présence qui me fait vaciller.

Je me demande tranquillement qui il est, tout en étant étonnée de la sérénité qui m’habite. Une voix dans ma tête, qui n’est pas la mienne me dit doucement le mot « gardien ». Mon corps réagit comme un assentiment en frissonnant de la tête aux pieds.

Puis il agite son bâton de droite à gauche. Les os s’entrechoquent en faisant un étrange écho sur les parois de la grotte, comme si elles répondaient, comme si tous les esprits du lieu agitaient eux aussi leur bâton sacré.

De plus en plus vite, de plus en plus fort.

Je me dilate à nouveau, toutes mes cellules s’ouvrent et semblent s’élargir. Cette fois j’ai peur. Je tente de résister mais la sensation continue. Résister me fait mal, alors je m’abandonne. La voix du gardien de nouveau dans ma tête « Rappelle-toi », comme une injonction. Le bâton frappe trois fois sur le sol, comme pour l’ouvrir

Puis je tombe. La matière n’existe plus. Ni même mon corps qui s’éparpille dans le néant du temps. Je deviens l’eau, le vent, le feu et la terre rassemblés en un coeur, le Sien.

J’entends un tintement. Je vois une main qui s’agite avec ce qui semble être des pièces. Puis un visage qui, de souriant, passe à inquiet. Je suis sûre de l’avoir déjà vu. Je m’aperçois que je le regarde bouche grande ouverte, les yeux ronds. Il me demande si je vais bien, je ne sais pas trop quoi répondre, mon visage restant figée avec un sentiment de béatitude et d’étonnement. On me fait asseoir sur une chaise avec un sucre et un verre d’eau. Je l’entend dire à sa collègue: « ça fait la troisième comme ça ce mois-ci ». Ils me regardent avec une moue dubitative. Puis la mémoire me revient. La visite de la grotte, le guide qui déchire mon ticket et la descente des marches. Je descend les marches avec cette sensation de descendre en moi, et en Elle. Plus près du coeur de la Terre Mère.

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